Du point de vue d’un enfant, il est toujours difficile de comprendre la vie sociale de nos parents. Si je me souviens bien, on nous demandait ‘que fait votre père’ à l’école (en présumant une mère faisant son devoir à la maison), et ma réponse était ‘Géologue, professeur à l’université.’

Mais un jour il y avait un concours pour trouver un slogan à la ligue des propriétaires de Duvernay (notre banlieue naissante qui devint partie de Laval), et il se trouvait que mon père en était le président. Ensuite, il s’avérait qu’il était le président de la commision scolaire de Pont-Viau, et il avait la visite hebdomadaire de l’homme en charge dans notre salon. Bien sûr on ne devait pas les déranger, alors notre connaissance de ce phénomène se limite à ces observations. Lorsque les frères qui dirigeaient encore mon école (le Mont-de-la-Salle) chassèrent mon professeur préféré Ivan Steenhout, mon père qui était aussi à la commision scolaire de cette école inventa (ou répéta la version officielle) qu’il avait dû quitter subitement pour retourner en Belgique. La rumeur était qu’il y avait quelque chose à faire avec un livre écrit par Mr. Steenhout, mais je n’ai appris la vérité qu’en contactant Ivan Steenhout trente ans plus tard. En effet, son livre (que j’ai lu par la suite à la bibliothèque de Montréal) était post-moderne et peu élogieux des catholiques dont toutes nos familles bourgeoises étaient.

Il jouait parfois de l’orgue à l’église… Une activité qui pris fin, je crois, quand les paroissiens chassèrent le curé pour avoir une amante (et un livre critique de l’église) et le firent remplacer par un curé que mon père n’aimait pas (moi non plus d’ailleurs, et c’était mutuel: il avait fait remplacer les oeuvres d’art moderne par des statues grotesques (pardon: traditionnelles) de la Vierge Marie). Mais ce curé indiqua qu’ils avaient été à l’école ensemble, d’un ton qui indiquait aussi qu’ils n’avaient pas les atomes crochus.

Mais regardez les articles de journaux des années 1940, et vous trouverez qu’il faisait partie des associations étudiantes de ses départements (génie minier), et son histoire personnelle de comment il était devenu professeur sans terminer son doctorat à McGill était ‘qu’ils étaient venus le chercher’ (il y avait un prêtre, encore un prêtre, qui voulait démarrer la géologie à l’Université de Montréal). Autrement dit, il était connu.

Si bien que son nom apparait dans les journaux des années 1950 parce qu’il tenait des sessions d’information sur les différences entre Génie Minier et Géologie, et puis bien sûr il y a les congrès de l’ACFAS. Je me souviens qu’il était à la télévision (je me souviens seulement que c’était en noir et blanc et en direct!).

Ensuite il faut sauter aux débuts de la retraite pour le retrouver en dehors de l’université: à l’école polytechnique de Thiès, au Sénégal, en 1980-81; ensuite comme témoin expert dans le cas de l’effondrement de la mine Balmoral.

C’est au cours de conversations avec le seul survivant du département de géologie, Christopher Brooks, que j’appris que notre père était souvent un point de ralliement dans les différentes discordes entre professeurs et départements (que je vois comme typique de l’université, ha ha). Souvent ça ne suffit pas lorsque les tentacules du gouvernement imposent une nouvelle structure et une deuxième université concurrente, et son département de géologie fût éventuellement démantelé… Je vois un parallèle avec l’histoire de la statue de la sainte vierge: aujourd’hui le département de géographie se réclame partie des sciences!

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Marcel Tiphane Graduation Photo

Ce site est dédié à l’histoire professionelle (et parfois personelle) de Marcel Tiphane, professeur et directeur du département de géologie de l’Université de Montréal.